Habitat minier – Bassin minier Nord-Pas de Calais – Patrimoine mondial (2024)

Au 18e siècle, le monde agricole fournit aux toutes premières Compagnies minières une main-d’œuvre composée à la fois de «mineurs paysans» et de ruraux déracinés, logés au sein des bourgs et villes existants. Au début du 19e siècle, l’explosion industrielle oblige les Compagnies à sédentariser de nouvelles populations de mineurs. Afin de suppléer l’absence de logements, les Compagnies vont concevoir un nouveau type d’habitat : les cités ouvrières. Sur 150 ans (1820-1970), les modèles, les styles architecturaux et les formes urbaines n’ont cessé de se diversifier. Aujourd’hui, l’habitat minier représente environ 70 000 logements répartis sur 563 cités.

Les corons (1820 – 1890)

Premières formes de l’habitat minier, les cités de corons constituent aujourd’hui 25% de l’ensemble des cités du Bassin minier. C’est à l’initiative de la Compagnie des Mines d’Anzin que sont lancées, dès les années 1810, les premiers modèles de corons dont la caractéristique est la construction de logements en bande. Apparaissent très vite de véritables ensembles de logements structurés comme le coron de l’église à La Sentinelle (1826), près de Valenciennes.

Peu à peu, le type coron va évoluer, notamment en matière de confort et de salubrité, et prendre des allures plus urbaines. La cité des électriciens (1857) à Bruay-La-Buissière offre un bel exemple de cette transition, entre les tout premiers alignements et les cités plus structurées. Dans les années qui suivent, la dimension et l’échelle des cités deviennent de plus en plus importantes : les corons de quelques dizaines de mètres de long se transforment en «barreaux» s’étirant fréquemment sur plus d’une centaine de mètres, à l’exemple du coron des 120 (vers 1860) à Anzin et Valenciennes. Les maisons saines, carrelées, faciles à ventiler, les puits d’eau potable, les fournils et les commodités individuelles, rendent les corons beaucoup plus confortables. De manière générale, les styles architecturaux sont économiques et sans ornementation. Parfois, des agencements de briques permettent de souligner les corniches, les niveaux ou encore les encadrements de fenêtre.

Le Bassin minier du Nord-Pas de Calais a connu un extraordinaire développement de l’habitat ouvrier pavillonnaire. Il représente actuellement 41 % du parc de logement minier actuel. Au milieu du 19ème siècle, les barreaux de corons, trop sensibles aux affaissem*nts miniers et aux mouvements des sols, sont abandonnés. Cette contrainte technique, à l’origine des cités pavillonnaires s’accompagne de l’intérêt grandissant des ingénieurs et des directeurs des Compagnies pour la maison individuelle, influencés qu’ils sont par les théories paternalistes au 19e puis au 20e siècle. En prônant l’individualisme et la vie au foyer, il s’agit aussi de contrôler cette même main-d’œuvre afin d’en réglementer la vie quotidienne et d’éviter les rassemblements revendicatifs.

Les cités pavillonnaires reposent majoritairement sur deux principes de fragmentation : la maison jumelle et le regroupement de quatre logements (parfois trois). Les plans de ces cités sont conçus selon un plan orthogonal qui structure l’implantation des constructions. Géométrie, symétrie, rationalisme restent les mots d’ordre. Toujours alignées, les maisons sont progressivement construites en recul par rapport à la chaussée et sont entourées de jardins offrant ainsi un paysage urbain plus aéré. La largeur et les grandes perspectives des rues, l’espacement entre les maisons et la place accordée aux jardins donnent aux cités pavillonnaires un aspect résidentiel, à l’image de la cité n°5 (années 1920) à Grenay.

Dans les années 1890, les Compagnies introduisent à l’intérieur de leurs cités des équipements dits «collectifs» : églises, écoles, bâtiments destinés aux œuvres sociales comme les salles des fêtes, les dispensaires. Les cités intègrent désormais des espaces réservés aux activités collectives, aux activités de service et d’agrément, renforçant ainsi leur autarcie et leur «autonomie». Construits entre 1925 et 1927 par la Compagnie des Mines d’Aniche, les équipements collectifs de la Cité de la Clochette à Douai-Waziers (groupe scolaire, patronage et église Notre-Dame des Mineurs) offrent un témoignage exceptionnel de la très grande attention portée par certaines Compagnies à leurs équipements et, à travers eux, à leurs ouvriers.

L’introduction d’équipements collectifs s’accompagne de la reproduction sur le sol de la hiérarchie de l’entreprise. Aux côtés de la zone de production et de la zone culturelle, religieuse et éducative, la zone résidentielle est elle-même divisée en unités distinctes. Au sein de la cité, les ingénieurs des fosses incarnent l’autorité du patronat et leurs demeures sont, par leur volume et leur architecture souvent de style éclectique, à la hauteur de leur rang dans la Compagnie. Avec les maisons des employés et celles des porions, variant en taille et en qualité architecturale, ces demeures sont installées en général de part et d’autre de l’entrée de la fosse. Symboliquement et stratégiquement, ces bâtisses contrôlent l’entrée et la sortie des mineurs de la fosse. La cité n°12 (années 1920) à Lens et Loos-en-Gohelle en offre un exemple particulièrement représentatif.

Quant aux directeurs des Compagnies des mines, leurs logements se situent toujours à l’écart des fosses et des cités (parfois même en dehors du Bassin minier). Par leur taille, leur volume et la superficie qu’elles occupent, leurs demeures sont monumentales, situées au sein de vastes parcs, à l’image du Château Mercier (1901-1920), situé à Mazingarbe, qui tire son nom du directeur de la Compagnie des Mines de Béthune.

Les cités pavillonnaires offrent une extraordinaire diversité architecturale et témoignent bien des rivalités architecturales et stylistiques entre les Compagnies. Les pignons font l’objet de nombreuses expérimentations formelles et deviennent des objets de libre expression. Les variations de la brique font apparaître des motifs isolés, des frises polychromes. L’emploi de la brique vernissée et des couleurs accentuent la différenciation entre les Compagnies et les différents types de logement.

Les cités-jardins (1904-1939)

Les cités-jardins du Bassin minier constituent 9% du parc actuel de logements miniers. Le concept de cité-jardin, énoncé en 1898 par l’anglais Ebenezer Howard, porte un regard nouveau sur la manière de concevoir l’habitatouvrier. Il propose notamment qu’une attention particulière soit portée à la qualité paysagère et que le tracé des rues soit sinueux. De répercussion internationale, ce nouveau schéma donne très rapidement naissance à de nombreuses appropriations, partout en Europe.

Précurseur en la matière, la Société des Mines de Dourges ouvre la voie. Dès 1904, elle est la première à construire en France des cités sur ce modèle : la cité Bruno ancienne à Dourges. Elle est très rapidement suivie par les autres Compagnies. Les cités-jardins apportent de nouvelles formes urbaines, une attention accrue est portée aux espaces extérieurs et au cadre de vie du mineur en général.

Les cités rompent avec la rigueur des cités pavillonnaires grâce à l’introduction de voiries courbes et d’un environnement vert et paysager ; le quadrillage hom*ogène est remplacé par un tracé courbe qui met en valeur des perspectives. Les voies se bordent d’arbres et des espaces publics, des squares, des jardins populaires sont généreusem*nt plantés.

L’implantation du bâti est beaucoup plus libre et le logement prend encore du recul par rapport à la chaussée. Les maisons sont regroupées le plus souvent par 2 mais également par 3 ou par 4 et sont implantées au cœur d’un double jardin, à l’exemple de la cité Taffin à Vieux-Condé (1924). Les jardins sont séparés par des clôtures végétales ou de béton orné de motifs propres à chaque Compagnie.

Plus que jamais outil de différenciation et de promotion pour les Compagnies, l’aspect des maisons est radicalement modifié et l’accent est mis sur la variété des logements se distinguant par leurs façades et leurs toitures, introduisant originalité et fantaisie : polychromie des frises de brique, toitures à quatre pans débordant largement des pignons et des façades… Le style pittoresque s’impose par des éléments de décors tirés d’images régionalistes extérieures à la région Nord-Pas de Calais : formes et décors des baies, faux colombages en ciment, jeu de briques vernissées….

Les cités modernes (1946-1970)

La Seconde Guerre mondiale vient marquer la fin de l’ère des grandes Compagnies du Bassin minier. La Nationalisation de l’exploitation minière bouleverse profondément les politiques architecturales et urbaines et donne naissance à de nouvelles formes d’habitat qui contrastent avec la sophistication des cités des Compagnies minières. Ces logements modernes constituent aujourd’hui 25% de l’ensemble des cités minières du Nord-Pas de Calais.

Pour pallier le manque d’habitations pour les retraités et les veuves, sont construits de petit* logements dits « type 100», d’une surface moyenne de 30 à 40 m2, puis des logements un peu plus grands dits «type 230». En brique, la construction se normalise, s’épure et tous les ornements disparaissent : encadrements en béton, toiture à une seule pente et en fibrociment, fenêtres filantes horizontales et menuiseries standardisées. La cité de l’hôpital à Fouquières-les-Lens offre un exemple représentatif de ces cités modernes.

Au-delà de ces constructions dites classiques, un type spécifique et original de logement fait son apparition dans le Bassin minier : il est directement issu des principes énoncés dans la Charte d’Athènes qui prône, entre autres, l’industrialisation et la rationalisation de la construction des logements. En 1954, de manière à accélérer le processus de construction, les Houillères adoptent le procédé «Camus» du nom de l’ingénieur qui l’a mis au point. Ce procédé utilise des panneaux de béton préfabriqués en usine. Ils sont ensuite assemblés sur le chantier à l’aide de grues. En quatorze jours, des logements sortent de terre.

Il existe deux types de «camus» : les «camus hauts» et les «camus bas». Les camus hauts apparaissent dès 1954 et se composent de deux niveaux habitables au-dessus d’un garage transformable éventuellement en chambre supplémentaire. Au premier étage, se trouvent le salon et la cuisine tandis que le second étage accueille deux chambres. Les camus bas sont construits à partir de 1959 et sont de plain-pied avec un séjour et deux chambres. Les camus sont dotés de «toits –terrasses» et de fenêtres en métal plus larges que hautes. A titre de témoignage de ce procédé constructif, un camus haut situé à Annay-sous-Lens est aujourd’hui préservé.

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